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Lettre à ma mère (2021)

  • Une femme (presque) ordinaire
  • 20 mai 2021
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 oct. 2023

Maman


Je prends la plume pour t'expliquer cette distance qui s'est installée entre nous. En réalité, il ne s'agit pas seulement d'une distance, mais plutôt de cette relation mère-fille si souvent idéalisée que nous semblons avoir perdue, si toutefois elle a réellement existé un jour.

Je constate que tu as du mal à comprendre et que tu évites les discussions, préférant te défendre en me rabaissant systématiquement à chaque opportunité. Mon intention n'est pas de te blesser ni de t'offenser, mais plutôt de te parler de moi et de te faire part de mon point de vue sur ce qui te blesse profondément, même si tu n'oses ni l'évoquer ni le comprendre depuis plusieurs années, malgré mes efforts répétés pour y parvenir.

Il y a des sujets difficiles à aborder, que tu n'as probablement aucune envie de revisiter, et pour lesquels tu ne m'as jamais demandé "comment je les avais vécus" ou "ce que j'en pensais". Étant donné que j'ai moi-même appris à grandir en gardant mes émotions pour moi, j'ai porté tout cela en moi, dans un déni qui m'a finalement rattrapée en grandissant, et que je n'ai pas réussi à cacher.

Tous ces souvenirs, cette période de tes 24 à tes 36 ans, t'appartiennent. C'est ton histoire, et elle a contribué à façonner la femme que tu es aujourd'hui. Mais t'es-tu déjà demandée comment ta fille, avec ses yeux d'enfant de 4 ans, a pu vivre cette même histoire ? As-tu déjà envisagé ce qu'elle pouvait ressentir, ce qu'elle comprenait ? Non, tu ne l'as jamais fait.

Aujourd'hui, à l'âge de 36 ans, je connais ton histoire, je l'ai vue et entendue, mais je suis restée silencieuse et en retrait pour alléger tes souffrances et pour ne pas me sentir responsable de tout cela. Bien sûr que je me sens responsable, et il est encore difficile pour moi de m'affirmer aujourd'hui, alors que toute ma vie, j'ai été rejetée et qu'on m'a demandé de garder le silence, de ne jamais parler de ce que je vivais ni de ce que j'en pensais. Tu ne m'as jamais demandé mon avis, que ce soit par culpabilité, honte ou lâcheté. C'est pourquoi je le fais maintenant, à 36 ans, car ton comportement n'est pas acceptable et ne correspond en rien à l'image de la "mère" que tu m'as décrite ni à la nature de la relation que tu avais imaginée entre nous.

Je tiens à te faire comprendre en premier lieu que je ne t'en veux en rien pour le passé. Absolument rien. À mes yeux, tu es cette femme forte et courageuse que j'ai accompagnée en silence depuis mes premiers souvenirs, dès l'âge de 5 ans. Puisque le silence semblait être de rigueur, j'en ai conclu que les choses n'étaient peut-être pas si graves, et j'ai construit mon enfance en me disant que si tu allais bien de cette manière, alors moi aussi j'irais bien.

J'ai tout fait pour être transparente et pour ne jamais nuire à ton couple, même lorsque cela dépassait mon entendement. J'ai toujours pensé être de trop, voire être responsable de tout ce qui se passait. C'est ainsi, dès mon plus jeune âge, que j'ai appris à ne pas exprimer mes sentiments, mais plutôt à divertir et à attirer l'attention, afin de détourner le regard de cet enfant intérieur en état de choc, en larmes, qui n'a jamais pu être consolé, car on lui demandait de consoler et d'être là pour sa maman. C'était l'élément le plus important, évidemment. Ce que je vivais, quant à lui, semblait n'avoir aucune importance. J'ai utilisé le peu de moyens dont je disposais... à savoir un téléphone pour appeler mon oncle en pleine nuit quand je sentais que la dispute et les cris devenaient une urgence vitale.

Le reste de ma lettre suivra, mais j'espère que ce début te permettra de comprendre mes sentiments et mes pensées plus clairement.

Je t'aime,

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